La fille aux oiseaux dans le cœur

Il y a cette fille à l’arrière de la voiture, elle parle sans s’arrêter d’un amour passé, ou plus exactement d’un amour perdu. Si l’amour a un âge le sien avait sept ans, une maison, un chien, un business, des dettes, des cartes de crédits, une bague de fiançailles et une coach de sport avec laquelle il s’en est allé un jour sans prévenir alors qu’il rentrait d’un voyage d’affaire dont il n’est en réalité jamais revenu.

C’était il y a sept ans, et cette fille à l’âge du Christ en parle, de son cœur brisé, comme si c’était hier. Elle ne regarde pas la route et les passagers avant ne la regardent pas dans le rétroviseur central pendant qu’elle décrit la chute puis la fuite en avant, qui a été une fuite en Europe ; la solitude, le vide intérieur, les deux oiseaux noirs dans la poitrine qui consciencieusement lui picorent chaque moment de bonheur, l’invisibilité et le fantôme que l’on devient qui permet de marcher sans peur et à pas d’heures dans les ruelles de Barcelone.

Elle parle de tout cela avec le même flot incessant que les lignes blanches de l’autoroute M2, sans s’inquiéter d’être entendue ou bien même écoutée. Elle sait que l’Europe n’a rien guérie, l’Europe ne guérit jamais rien, aucune fuite ne guérit. Elle se force à en rire là assise sur la banquette arrière puis elle évoque le numéro 18, son numéro fétiche, celui qui quand elle le voit lui rappelle qu’elle n’est pas seule.

Elle décrit le bruit d’une pièce qui tombe dans une machine à laver vide. Dans une rue italienne où elle a cru assister à la fin d’elle même, c’est le signal céleste, le son qui fait s’envoler les oiseaux noirs quand  à picorer il n’y a plus rien,  plus rien à détruire, plus rien à déchiqueter, tout à reconstruire. La machine a été vidée, c’est l’heure d’étendre le linge au soleil et laisser l’air et le temps faire le reste avec un sourire pour la pièce de 18cts laissée dans le tambour… Boum boum, boum boum, boum boum, fait le cœur.