Pour que le corps se rappelle

Le sable est si lisse et si dur que les pas marquent à peine.

Pouvoir marcher, s’en aller, comme ça, sans laisser de traces – nulle.

Le soleil fait sa révérence et le ciel en émoi lance le bouquet final.

C’est si beau que personne n’ose une photo, car il faut que le corps l’imprègne et se rappelle ; ce soir là, les couleurs, le toucher de l’eau, la pluie sur la ligne d’horizon et l’arc en ciel qu’elle a fait naitre.

Tout cela sur l’océan, une plateforme pour nos rêves terrestres, petits grains de sables sur une étendue qui s’évade à perte de vue.

Deux hommes se baignent nus. Ils jouent dans les vagues comme des enfants et elle les regarde avec envie pendant que leurs femmes, de la digue, rient aux éclats.

Il y a une étrangère au téléphone. Elle essaye, elle y met tout son cœur. Elle est là tout au bout du monde sur une plage au coucher lumineux aquarelle ; il est de l’autre côté, en retard pour aller travailler.  Arriveront-ils un jour à se retrouver ?

Ces moments où tout devient possible, où on oublie qu’on a mal, on oublie ce qu’il s’est passé, on ne se préoccupe pas de ce qu’il se passera. Parce que nous-même nous ne faisons que passer.

Dans ces grains de sables sur lesquels ses pas ne laissent pas de trace, c’est la vérité. Dans cent ans ils seront toujours là, elle n’y sera plus. Passagère sur cette plage comme dans cette vie.

Et l’eau continue, elle, éternellement d’aller et venir. Au moment où elle se retire « c’est comme l’eau qui coule sur les fontaines de marbre lisses européennes » l’étrangère remarquera-t-elle.

Et étrangers, nous sommes tous.