Toi tu as pris l’avion. Tu as paniqué et a été le seul à monter la voir. Tu as sauté dans le premier vol. Tu as réalisé que c’était peut-être la dernière fois et tu as craqué. Tu as pleuré de tes yeux magnifiques. Elle t’a regardé et de cette sagesse sans peur réconforté. Elle t’a renvoyé à ta propre vulnérabilité, cette fragilité humaine qui appelle la sécurité de l’amour intouchable dont elle t’entoure. Dans ton carnet elle écrit en français : PROTEGE MOI. Elle n’est pas encore partie que déjà elle s’inscrit sur toi, s’imprime dans tes pores. Invisible rempart, de cœur, de défense, elle s’élève en transparence dans ton halo. Parce que tu y crois, parce que tu le lui as demandé. Tu avais besoin des mots. Elle avait juste besoin de toi. Le téléphone a sonné. Il a dit « je suis avec Papy ». J’ai dit « tu me le passes ». Il a répondu « Mahé, il est mort ». Trois secondes, une éternité pendant laquelle je n’ai pas eu le temps de paniquer, à peiner de réaliser qu’il était seul au téléphone devant son père, devant mon grand père, devant un corps vidé de sa substance sublime. Tu vois, moi je n’ai pas eu le temps de lui dire ce que lui seul pouvait entendre. Je ne sais pas pourquoi un jour la réalité lui a échappée, je ne sais pas pourquoi de la réalité il a toujours voulu s’échapper. L’échappée belle, celle que je n’ai pas pu écrire, le secret à jamais emporté. Nous pardonnons parce que c’est notre libération, c’est un instinct de survie. Pour toi de te protéger. Mais rien ne protège. Rien ne protège de la vie. Alors sois libre.
Protège-moi, pas
Mahé, Nov 13th, 2015