Sur le rebord d’une table, son museau humide qui regarde en l’air et les yeux qui implorent. Attablé, un amateur éclairé de brocantes travaillant dans l’hôtellerie. Il râpe des carottes pendant que le joint se consume en cuisine au dessus de la salade de fruit en préparation d’où s’élève une voix rocailleuse mangée par la fumée. Le tout dans un temps humide qui dehors rend tout vert ; plus vert. Le souffle de la chienne rassure. Au moins jusqu’au moment où voyant des fantômes sur la colline, elle aboie surexcitée trop bileuse pour sortir les attraper.
Le bruit dans les oreilles s’est enfin arrêté. La migraine est tombée ; presque. Pas de réseau sur les téléphones. Le silence. De l’autre côté du jardin en étage, passé le pont en bois sur la droite, des fleurs en signe de mémoire. La nuit tombe, la pluie aussi, le deuil le dos bien droit et les paumes ouvertes s’élèvent. Et puis cette voix, presque la même. Des intonations, des vibrations, identiques. Personne ne relève, pourtant c’est elle qui parle à travers les vivants.
C’est un monde différent. Où qu’on soit, c’est un monde différent. Différent du nôtre.
Autour de la table, chacun s’agrippe à des souvenirs, personne ne veut voir que le fossé dont ils parlent en riant c’est celui qui s’est creusé entre eux.