Soi-même

Il avait prévenu : « quand je danse, je ne suis plus moi-même ». En un sens, il avait sans doute voulu dire que quand il danse il sourit et que de tout il se fiche. Non, il n’était pas un de ceux qui profitent et s’emparent de l’espace de l’autre. Lui il dansait à petits pas, en contorsionnant le haut de son corps. Les saccades étaient rythmées, tribales, éduquées. Les autres hommes l’ont salué à son arrivée. Lui l’habitué qui se comporte avec la politesse d’une première fois ; quelle délicatesse. Les mots s’effilent entre l’espagnol, le français et l’anglais, et ne reste que les yeux pour parler. Guider par les musiciens, les couples s’élancent et s’enlacent à l’indépendance chilienne pendant que l’homme aux maracasses balance autour de lui son gros ventre et ses bras, tout à la fois. Il n’y a plus de paraitre, chacun se laisse apparaitre, se laisse enfin être. Sur les lattes en bois, c’est un assortiment de soi-même.