Le passé au passé

Le passé au passé. Des réflexions prises au temps. A l’ère où l’information se force à nous, reculer d’un pas, d’un autre, un détour par la mémoire métamorphose. Un instant revire le temps qui un matin c’est figé en gare.

C’était le premier d’entre eux à y passer. Elle prétendait détester les mariages, et pourtant pour être là debout dans le vent, sur les pavés, à frissonner au glacial mois d’Aout, entre ciel et Terre elle avait volé plusieurs milliers de minutes.

Il y avait cet homme, un témoin. Grand, cheveux dans les yeux, il portait des lunettes noires et sur lui une classe qui insiste, qui s’exprime.  Chaussures en cuir, deux textures, lacets rouges. Une élégance homosexuelle. Une évidence trompeuse. Cet homme est libre.

Faisant semblant de vouloir attraper un bouquet volant qu’elle évita. Son regard, à mesure que les heures filaient, elle le trouva. « Il sonne juste » qu’elle écrira avant de décrire un sourire « équilibré ». Lui qui donnait l’impression d’être quelqu’un de bien, il portait un prénom qui signa l’acte de fin.

Cinq heures du matin, quatre heures avant le train qui file à travers les vignes et le retour à la capitale loin du conte de fées où Mickey et Minnie se tiennent la main au sommet d’un gâteau géant sur un air de Stairway to Heaven joué à l’orgue dans une église où l’on pleure.

Il insista. Elle déclina. Il promet qu’il sera sur le quai. Pourquoi tout gâcher…

Fatigue irréparable pour un sommeil de deux heures à peine. La gare, posée comme ça au milieu de la Champagne, isolée, isolant, un matin d’été au goût d’hiver.

A l’autre bout du quai, il était là. Grand. Ses cheveux noirs devant ses yeux. La fusée sur rails s’approchant déjà, il s’approche, il sait qu’elle va monter.

Ils se rencontrèrent là, pour la première et la dernière fois.

L’instant choisi pour laisser la vie nous vivre.