Votre proximité

D’un immeuble à l’autre on se regarde en faisant semblant de ne pas. Chacun à sa fenêtre, se prêtant une mine affairée, pendant que sur l’autre côté de la rue notre curiosité vient se coller. Un verre à pied sur le rebord en brique dans l’ouverture d’une vitre relevée, à porté de main d’un couple assis l’un à côté de l’autre à un même bureau. Un étage plus haut, elle enfile un tablier de cuisine par dessus sa robe et le noue dans son  dos ;  « comme dans le temps » se dit-on. Un peu plus vers la droite, changement de façade. L’extérieur a été repeint en blanc, les appartements sont spacieux. Au troisième étage, trois fenêtres alignées pour symboliser trois pièces consécutives. La lumière est tamisée et fait des ombres chinoises. Les ombres quant à elles, elles dansent. A l’origine, deux filles qui sautent surexcitées d’un encadrement à l’autre, dans un sens puis dans l’autre, comme des ressors les bras en l’air, les cheveux flottant derrière. Par la fenêtre de la cuisine, on entend une des voisines faire sa montée vers l’orgasme. C’est bref, mais suffisamment long pour se sentir gêné d’en être le témoin auditif forcé. Il fait trop chaud pour fermer les fenêtres. Au moment de faire pivoter les stores, le voisin de dos sortant de sa douche, comme une statue cour Marly. Une seconde de pause. On s’habitue au bruit, on ne se fait pas à la proximité.